Le principe de base de l’Ostéopathie, c’est restaurer la mobilité perturbée d’un rapport de structure. Ce rapport peut être une articulation (c’est la fameuse « vertèbre bloquée »), mais pas seulement. Ce que vous appelez « vertèbre bloquée » ou « vertèbre déplacée », nous l’appelons dysfonction et le Prof. Maigne Dérangement Intervertébral Mineur (D.I.M.).
Chaque fois que le corps perd sa mobilité à un endroit, c’est toujours un réflexe de défense pour éviter un accident plus grave. C’est pourquoi toutes les techniques ostéopathiques, même les « manipulations » sont des techniques réflexes. Il n’existe pas de techniques « de force » en ostéopathie.
Parler d’Ostéopathie « douce » est une erreur conceptuelle !
Homme Mosaïque
De l’apparition de la Vie à la première cellule, de la cellule aux premiers organismes pluricellulaires, des premiers pluricellulaires à l’Homme moderne, près de 4 milliards d’années d’évolution…
En cours de route, l’Homme à acquis une conscience et la capacité de penser et de parler. Grâce à sa mémoire et à la parole, il peut transmettre son savoir à ses descendants. Cette capacité est unique sur Terre.
Le corps humain est devenu tellement complexe qu’il ne peut pas se reproduire avant la puberté, que la fin de la croissance se fait vers 20-25 ans et qu’il n’atteint son plein potentiel que vers 30-35 ans avant de décliner à partir de 40 ans. Cette maturité tardive est une des caractéristiques de l’Homme par rapport à d’autres espèces animales.
La Vie est en perpétuel mouvement, nous aussi !
Le corps humain est un incroyable assemblage composé de 60 à 100 000 milliards de cellules d’environ 300 types différents travaillant ensemble. C’est une formidable machine conçue pour percevoir son environnement et l’analyser pour réagir de manière correcte à la situation. Nous sommes loin de tout savoir sur son fonctionnement malgré l’étendue des connaissances actuelles.
Avec l’évolution de la vie et des espèces, le corps humain c’est construit au travers de grands ensembles fonctionnels que l’on appelle des systèmes (système respiratoire, vasculaire, auditif, digestif, etc.) qui regroupent plusieurs organes de natures différentes. Ces systèmes sont imbriqués les uns dans les autres, ils ne sont pas autonomes. Pour être en état de bonne santé, tous ces systèmes doivent fonctionner parfaitement, ou s’équilibrer dans leur fonctionnement.
Il est alors possible d’envisager l’Homme comme un empilement de systèmes dont la palpation est de plus en plus difficile jusqu’à devenir impossible. Plus le niveau est élevé, plus il faut de l’entraînement et de l’expérience pour le percevoir. Par exemple, tout le monde peut toucher la peau, il est facile de sentir une articulation, par contre il est plus compliqué de palper un ligament, et impossible de toucher une émotion directement (mais possible indirectement par les tensions musculaires qu’elle provoque).
Chaque niveau dispose d’une mobilité spécifique. Il existe une approche ostéopathique particulière pour chaque niveau. Quand la technique qui donne les meilleurs résultats est contre-indiquée, il est possible d’en utiliser une autre, mais elle sera moins performante. Pour être efficace, un ostéopathe doit connaître et pratiquer régulièrement toutes les techniques.
Concepts de Dysfonction et de Schéma lésionnel
L’Ostéopathie, comme d’autres médecines manuelle avant elle, pose l’existence d’une relation réciproque entre la structure corporelle (os, muscles, articulations) et ses fonctions. Une perturbation structurelle peut nuire aux fonctions corporelles et vice versa.
Par définition, on appelle dysfonction toute perturbation fonctionnelle d’un rapport de structure, et schéma lésionnel l’enchaînement de plusieurs dysfonctions entre elles dans le but de maintenir un équilibre du corps.
En conséquence, une dysfonction ostéopathique ne concerne par seulement un rapport articulaire, mais concerne aussi tout rapport entre deux structures, même de nature différentes. Un schéma lésionnel, c’est le corps qui « triche » pour ne pas souffrir. Il peut rester silencieux durant des années avant de décompenser pour une raison très banale comme éternuer ou soulever une plume !
L’état de santé de tout individu dépend du fonctionnement harmonieux des différents systèmes qui le compose. Cet équilibre dépend lui-même de notre histoire, de notre environnement, de notre culture sans oublier notre patrimoine génétique. De plus, en qualité de membre de l’espèce humaine, notre organisme est le résultat de l’évolution des espèces depuis l’apparition de la vie sous l’influence des grandes contraintes physiques définissant notre planète. De notre manière de gérer notre corps au temps présent dépend notre capacité à maintenir l’état de bonne santé dans le futur ou bien à développer certaines maladies.
Un symptôme implique toujours plusieurs systèmes en même temps.
Prenons un exemple :
Vous venez en consultation pour une lombalgie (douleur du bas du dos) après avoir éternué ou porté une charge.
Lors de l’interrogatoire, vous précisez avoir eu une entorse de la cheville il y a quelques années en faisant un jogging dans les bois. Vous avez besoin d’aller courir car vous habitez en ville, votre métier est stressant, vous avez besoin de respirer l’air de la forêt ayant vécu en campagne dans votre enfance (influence de l’environnement, la culture et votre histoire familiale).
Cette entorse vient désorganiser l’interligne articulaire (Syst. Articulaire), provoque des contractures de défense (Syst. Musculaire) et étire les ligaments de la cheville (Syst. Capsulo-Ligamentaire). Cela déséquilibre les enveloppes musculaires de la jambe (Syst. Fascial et Aponévrotique) jusqu’à provoquer l’apparition d’une gêne au niveau du genou cette fois (Syst. Capsulo-Ligamentaire à nouveau) et des contractures des muscles de la cuisse (Syst. Musculaire) lorsque vous courrez.
À regret, vous abandonnez votre sport favori, ici le jogging, mais cela vous empêche d’éliminer le stress du travail comme vous le souhaitiez (Syst. Psychologique et émotionnel). Ce stress permanent vient perturber l’équilibre du système neurovégétatif (Syst. Neurologique) ce qui rend les vaisseaux sanguins moins adaptables (Syst. Vasculaire) et provoque des douleurs à l’estomac et des ballonnements intestinaux (Syst. Viscéral). Le corps adapte alors sa posture (Syst. Musculaire et Syst. Articulaire) autant que possible pour vous permettre de fonctionner sans douleurs… jusqu’à l’éternuement ou le port de charge qui rompt l’équilibre.
Entre deux votre état de stress, parce que vous êtes devenu irritable, aura pu générer une déprime, une hypertension, des troubles cardiaques, etc., voire une séparation ou un divorce. La gêne au niveau du genou aura pu entraîner une arthroscopie pour vous retirer un morceau de ménisque qui a fini par se fissurer sous la contrainte, ou aura nécessité un changement de travail… Ce sont autant de systèmes dysfonctionnels qui évoluent de manière autonome à partir d’un embranchement. Étant autonomes et parfois sans symptômes, ces schémas lésionnels ne doivent pas être inclus dans la programmation thérapeutique dans un premier temps.
Entre l’entorse et le lumbago ? Parfois 10, 20, 30 ans d’écart…
Heureusement, ceci n’est qu’un exemple et rien n’est aussi systématique, les possibilités sont innombrables. L’entorse peut aussi rester une simple entorse sans conséquence et la lombalgie due à un faux-mouvement purement accidentel….
Cependant, ce n’est pas en réharmonisant seulement la dernière vertèbre lombaire que l’on règle le problème ! L’ostéopathe va remonter le fil du schéma lésionnel, embranchement par embranchement. À chaque niveau, il va chercher à déterminer s’il se trouve face à un schéma autonome qu’il faut laisser de côté pour l’instant ou s’il doit l’intégrer dans sa programmation thérapeutique. Il va tenir compte également des lésions organiques irréversibles dues à des accidents, des interventions chirurgicales, des maladies ou au vieillissement physiologique.
Il ne s’agit pas de rentrer dans votre intimité, mais de comprendre le mieux possible les besoins de votre corps.
Plus le schéma défini sera juste et complet, plus le traitement sera efficace, rapide et durable dans le temps. C’est là que s’exprime la qualité et l’art de votre praticien…
La Dysfonction Somatique
Il s’agit d’une fonction localement perturbée ou altérée d’une articulation et de ses composants anatomiques associés (ligaments, muscles et aponévroses) ainsi que des éléments vasculaires, lymphatiques et nerveux qui s’y rapportent.
En clair, au niveau du dos, c’est la fameuse vertèbre bloquée.
ATTENTION : Une vertèbre déplacée, ça n’existe pas ! Ou alors il faut pour cela qu’elle soit fracturée ou qu’il existe une déchirure des ligaments qui la maintiennent, c’est alors du domaine du chirurgien.
Cela veut dire aussi que l’on ne replace jamais une vertèbre !
Pour rappel, il n’existe pas de techniques de force en Ostéopathie !
La dysfonction associe une contrainte physique, un changement de texture des tissus, une asymétrie du positionnement et de mouvement des structures impliquées, une diminution de l’amplitude du mouvement, et une sensibilité augmentée.
Que se passe-t-il ?
Tout mouvement dans le corps se définit par rapport à une position de référence, ou point zéro, propre à chaque articulation.
À partir de ce point le mouvement peut se faire dans un sens ou dans un autre dans un des trois plans de l’espace.
Tout mouvement se divise en trois zones :
- Zone Neutre, ou jeu articulaire : le mouvement se fait sans contrainte. C’est une zone de grande flexibilité ou de laxité. Dans cette zone, la capacité d’adaptation posturale et dynamique se réalise très rapidement pour un coût énergétique très faible. Trop importante, on parle d’hyperlaxité, le rapport articulaire devient instable et compense jusqu’à un certain stade par des contractions musculaires ; trop faible, on parle d’ankylose, elle diminue la mobilité. Dans les deux cas, il est possible de retrouver des symptômes douloureux.
- Zone élastique : les contraintes augmentent au fur et à mesure du mouvement, mais il est possible de revenir vers le point zéro sans déformer les structures. Plus on s’éloigne de la position de référence, plus les tensions musculaires augmentent, et une douleur commence à apparaître.
- Zone Plastique : Les structures restent déformées, même après le retour à la position de départ. C’est la zone de l’entorse. En fin de zone plastique, le mouvement a atteint les limites physiologiques du mouvement. C’est la zone de la déchirure ligamentaire ou musculaire, ou bien de la fracture osseuse.
Une articulation peut bouger dans les trois plans de l’espace, aussi il est possible de représenter l’amplitude des mouvements produits sous la forme d’une courbe qui ressemble un peu à un gobelet limité en haut par le point de rupture. La répartition des zones neutre, élastique et plastique n’est pas homogène.
Lorsque le mouvement risque d’entraîner le corps dans la zone plastique, ou lorsque le mouvement est trop rapide dans sa direction, le corps se protège en installant des contractures musculaires qui vont limiter l’amplitude du mouvement et éviter la blessure.
Pour des raisons encore mal comprises, il arrive que le corps ne relâche pas ces contractures une fois l’accident évité.
Lors du retour vers la position initiale, le point de référence se déplace vers la zone de contracture, la répartition des différents secteurs du mouvement se modifie, la zone de rupture est atteinte plus vite. C’est un peu comme faire un nœud au milieu d’une serviette, il y a des plis et les bords sont déformés.
L’articulation devient douloureuse et inflammatoire pendant un temps avant de redevenir silencieuse. Toutefois, les récepteurs sensitifs de toutes les structures impliquées continuent à envoyer des informations déformées au cerveau, et c’est toute une zone du corps (un métamère) qui perd son équilibre physiologique.
C’est la dysfonction Ostéopathique. L’origine de la restriction est toujours en zone élastique.
Une dysfonction Ostéopathique est donc un réflexe de défense qui dure dans le temps de manière anormale.
Référence :
White, A. 3. & Panjabi, M., 1990. Clinical biomechanics of the spine. 2e éd. Philadelphia: J.B. Lippincott Compagny.
Implications pratiques
L’ensemble des dysfonctions retrouvées à un moment donné forme un schéma lésionnel. C’est une réponse adaptative de l’ensemble du corps à une contrainte.
Il peut exister plusieurs schémas lésionnels en même temps, l’ensemble forme la lésion ostéopathique. C’est une réponse adaptative dynamique du corps à l’histoire de sa vie dans un environnement en changement permanent. Chaque schéma correspond à un équilibre que le corps a trouvé à un moment de son histoire. Il ne faut donc pas nécessairement tous les aborder, cela dépend de vos besoins.
Par exemple, vous êtes cariste. Votre corps installe en 2-3 ans toute une série de compensations au niveau du dos vous permettant de travailler en regardant derrière vous sans douleur, sans souci de santé. Vous jouez au foot et êtes buteur ? C’est votre bassin qui installe une vrille particulière.
Essayer de « remettre d’aplomb » le corps en fonction d’une « normale » décompense votre schéma moteur adaptatif et les blessures arrivent… Le but est au contraire de vous permettre de vivre l’adaptation comme un état d’équilibre donc comme quelque chose qui protège et organise votre santé présente ou future.
Un choc émotionnel important, la perte d’un être cher ou bien une joie intense, est l’équivalent d’un accident de la route. Le corps réagit de la même manière. Dans les suites immédiates du traumatisme ou si vous continuez à en souffrir depuis longtemps, il s’agit de vous aider à mettre en place un état d’équilibre, même fragile. S’il a eut lieu dans le passé, toucher à l’équilibre que vous avez retrouvé, même s’il reste des blessures psychologiques, avant qu’il ne devienne gênant pour vous risque de provoquer plus de problèmes que d’apaisement.
Il importe donc, non seulement de traiter les dysfonctions ostéopathiques locales, mais aussi d’intégrer leur traitement dans la globalité de l’être Humain considéré comme une unité fonctionnelle dynamique de corps, de mental et d’esprit.
Ne faire que ce qui est nécessaire, au moment où c’est nécessaire…
C’est pour cela qu’un traitement ostéopathique comporte souvent deux phases dans la même consultation, la première qui consiste à réharmoniser chaque dysfonction locale impliquée dans le motif de consultation (et seulement celles là), le second qui vise à restaurer la coordination des éléments impliqués entre eux.
En restaurant la capacité d’adaptation du corps et son équilibre à la fois par rapport à lui-même et par rapport à son environnement, on lui permet de retourner vers son état de bonne santé.